Une professeure d’université de la Sorbonne, installée à Ourville-en-Caux, crée des langues animalières (Journal Paris-Normandie)

Ourville-en-Caux. Une professeure d’université de la Sorbonne, installée provisoirement dans un gîte pour être au plus proche de la faune sauvage, invente des « animots » pour la qualifier, la décrire et la comprendre…

Les chats d’Astrid Guillaume ne sont jamais très loin d’elle. (Photo A. G.)

Maître de conférences habilitée à diriger des recherches en Sciences du langage à Sorbonne Université, actuellement en distanciel, Astrid Guillaume est venue se confiner en télétravail en pays de Caux en novembre dernier. « Je cherchais un lieu tranquille, isolé, proche d’une faune tout à fait sauvage. Je suis venue en repérage un week-end d’octobre et j’ai eu un coup de cœur pour le gîte du Mont-Ribourg, situé à Ourville-en-Caux, au hameau d’Arantot, entre champ et bois. » Transformé en annexe de la Sorbonne, elle y donne ses cours en ligne aux étudiants en master et en doctorat et accorde des conférences dans le monde entier, en compagnie de Deus, un chat oriental blanc et de Djoser, un siamois blue point.

Caméras installées dans les bois

« Dans le cadre de mes recherches, mon objectif était de faire une étude de terrain des animaux liminaires, à savoir les animaux qui s’approchent des habitations tout en restant sauvages afin de mieux qualifier les comportements animaliers », complète l’universitaire. Fouines, renards, corvidés, cervidés, oiseaux, lapins… sont nourris et filmés grâce à des caméras installées par son compagnon, ingénieur en audiovisuel. « J’ai observé une vraie évolution du comportement de la fouine. Elle ne m’identifie pas comme étant un danger, avec mon bonnet, mon parfum, mon sifflement, identiques depuis le début de l’expérience. Elle est en totale confiance et prend du poids. »

Sémioticienne, spécialiste de l’étude des signes et des symboles, Astrid Guillaume s’est spécialisée en zoosémiologie. Elle étudie les différentes formes de communication, d’intelligences et de sensibilités animalières. Et pour mieux les décrire et les comprendre, elle invente des mots, des « animots ». Elle parle d’« humanimalisme », quand les humains et les animaux vivent en bonne harmonie, de « sentience » quand l’animal exprime ses émotions.

Journée mondiale des intelligences animales

Et elle insiste : « Le mot ‘‘sentience’’ ne veut pas dire sensibilité. Traduit de l’anglais ‘‘sentient’’, soit ressentir, il est entré dans le Larousse en 2020. Les animaux auraient donc une personnalité ! Ces nuances de langage ont un rôle important dans l’évolution des textes juridiques. »

Sensible à la cause animale, elle lance un cri d’alarme sur l’ours polaire « menacé de disparition à cause du comportement des humains. Plus que la bientraitance, plus que le bien-être, c’est l’épanouissement des animaux dans leur cohabitation sur un même sol avec les humains qu’il faut viser », écrit-elle dans la préface de L’ours polaire et le droit. Signaux d’alerte.

Elle a fondé en 2018 la Société française de Zoosémiotique, une société savante qu’elle préside et qui réunit des vétérinaires, biologistes, éthologues, juristes, historiens, linguistes, artistes. Son objectif est aussi de vulgariser ses travaux de recherche.

Samedi 6 février 2021, Astrid Guillaume est intervenue à 11 h 45 en visioconférence depuis le gîte, à la Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris, pour la Journée mondiale des Intelligences animales, sur le thème «« Sensibilité, conscience, sentience animalières : nuances sémantiques. » Les chats ont dû être attentifs !

INFOS PRATIQUES

Le lien YouTube de la conférence est disponible sur le site cite-sciences.fr Les conférences en ligne sont ouvertes à toutes et à tous, et disponible en replay.

Article publié dans le Journal Paris-Normandie, le 6 février 2021.

Lire sur le site du journal.